La clim’ à faible empreinte environnementale existe (et elle est française)

Grégoire Noble
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Chez Caeli Energie on imagine des rafraîchisseurs sans fluide frigorigène et sans bloc de froid externe. Des « climatiseurs » adiabatiques directs, à faible empreinte environnementale mais forte efficacité énergétique, capables de produire de l’air à moins de 20 °C. Rémi Pérony, l’un des deux cofondateurs nous en dit plus sur des machines qui pourraient envahir les maisons individuelles et les logements collectifs, en neuf comme en rénovation.

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Zepros Energie : Quel est exactement le principe de fonctionnement de votre système ?

Rémi Pérony : Il est vieux comme le monde, on évapore de l’eau pour faire du froid en descendant presque au point de rosée, soit 10 ou 15 °C. Pendant la canicule du mois de juillet 2020, notre prototype a tourné et amené la température de soufflage à 19-21 °C sans problème. Notre solution et quatre à cinq fois plus compacte que les systèmes adiabatiques classiques à roue tout en étant plus performante. Cette nouvelle architecture d’évaporateur échangeur de chaleur et de masse permet en effet de réaliser ces deux étapes en une seule. Concrètement, nous évaporons l’eau dans un gros sandwich alimenté par deux entrées et deux sorties. En utilisant l’air chaud et sec de l’extérieur, on obtient d’un côté de l’air frais et sec pour l’intérieur et on rejette de l’air chaud et humide.

Zepros Energie : Quels sont les avantages de cette architecture ?

Rémi Pérony : Il n’y a pas de gaz réfrigérant et le système est à faible empreinte environnementale. Comme il n’y pas de bloc froid à l’extérieur, l’ensemble est compact et discret : on est assuré de dormir tranquille en été, sans nuisance sonore. Tout ce dont il a besoin est d’une bouche d’aération vers l’extérieur et d’une arrivée d’eau. De plus, le système ne condense jamais. La limite par rapport à l’air extérieur est s’il est chaud et humide, ce qui fait que ce rafraîchisseur domestique n’est pas indiqué pour les départements d’outre-mer. Mais il reste adapté à 95 % du territoire métropolitain. Notre vraie force est la compacité. Des ingénieurs australiens travaillent sur un système plus ou moins équivalent mais ils ne sont pas assez compacts pour pouvoir viser le marché du résidentiel. Pour l’installation, elle est également plus simple, puisqu’il n’y a plus besoin de certification F-gaz. Elle est aussi aisée que le branchement d’un frigo américain !

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Zepros Energie : Au point de vue des consommations d’électricité et d’eau, où se situe la machine ?

Rémi Pérony : Elles sont très faibles. Pour la consommation électrique, elle se rapproche de celle d’un puits canadien, donc d’un système semi-passif. Le coefficient de performance, cher aux pompes à chaleur, varie chez nous de 10 à 20. Pour chaque kilowattheure utilisé, la quantité de froid généré est bien supérieure. Toutefois, on ne peut pas descendre à des températures aussi basses que les solutions de climatisation classique. Nous préférons parler de rafraîchissement. Concernant l’eau, la consommation est de 2 ou 3 litres par kWh de froid.

Zepros Energie : À quel(s) marché(s) destinez-vous ces rafraîchisseurs à faible empreinte ?

Rémi Pérony : Nous travaillons avec des bureaux d’études pour évoquer la rénovation des logements collectifs où notre système serait plus indiqué que les pompes à chaleur. Nous travaillons aussi avec des CMIstes pour développer des solutions dans la maison individuelle neuve de type bioclimatique ou passive. Avec l’arrivée de la RE2020 le confort d’été fait son entrée dans la réglementation. Mais elle poussera également les PAC en avant et nous n’avons pas encore la maturité technologique de ces solutions. De plus notre système n’est pas réversible, il ne produit que du froid. Ce qui impose de l’installer en complément de chauffages eux-aussi non réversibles, comme les chaudières à gaz, les poêles à bois ou les convecteurs à effet Joule par exemple, ce qui ouvre tout de même un large éventail. Notre but est de rester simples pour faire du froid.

Zepros Energie : Où en êtes-vous du développement industriel ?

Rémi Pérony : Cela fait 1 an et demi que nous travaillons à différentes itérations de prototypes et nous en sommes à la 4e génération de machine. Il y a beaucoup de propriété intellectuelle car nous amenons de la technicité sur la partie échangeur de chaleur/échangeur de masse. L’industrialisation va prendre du temps. Nous ferons appel à des bêta-testeurs en 2021-2022 pour tester des modèles de présérie avant de viser une mise sur le marché en 2023. Tous les matériaux seront « Made in France » à l’exception des ventilateurs. Notre solution ne contient pas de métaux rares, ni de produits chimiques, mais beaucoup de biopolymères. Plusieurs industriels sont intéressés, comme le groupe Schneider Electric ou Vinci, qui est entré à notre capital, mais nous conserverons le contenu du cœur technologique, d’abord en assemblant tout nous-même puis, potentiellement plus tard, en externalisant cette tâche. La cible de prix sera celui d’une PAC installée ou d’une climatisation de moyen-haut de gamme, tout en prenant conscience qu’il y aura moins de consommations électriques et moins de maintenance.

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Zepros Energie : Justement, quel entretien sera nécessaire ?

Rémi Pérony : Une intervention une fois tous les 3 ans qui pourra être faite par le client lui-même. Le système est très simple et contient peu de pièces mobiles, à part les ventilateurs, puisqu’il n’y pas de compresseur. La durée de vie sera d’au moins 10 ou 15 ans, limitée par celle des ventilateurs justement.

Zepros Energie : C’est la période des vœux, que peut-on vous souhaiter pour 2021 ?

Rémi Pérony : De trouver des partenaires bailleurs sociaux intéressés par le confort d’été, des opérateurs de logements et des bureaux d’études. Et de sortir des laboratoires pour montrer que notre système fonctionne bien en conditions réelles.

Propos recueillis par Grégoire Noble

Grégoire Noble
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