Le plaidoyer de Ville et Banlieue pour plus d’égalité et de fraternité

Philippe Pottiée-Sperry
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Regrettant que le sujet des quartiers politique de la ville (QPV) occupe très peu de place dans la campagne présidentielle, l’Association des maires Ville et Banlieue de France (AMVBF) a lancé, le 9 mars, une « Harangue des territoires pour une fraternité nationale retrouvée ».
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« Nous, territoires jeunes et populaires, affirmons être porteurs d'espoir pour nous-mêmes et pour toute la Nation », lance-t-elle en plaidant pour plus d’égalité et de fraternité dans les mesures à mettre en place en faveur des 5,5 millions d’habitants des QPV. Avant de présenter une plateforme commune de propositions plus techniques, fin mars, avec cinq autres associations d’élus (AMF, AMIF, France urbaine, Villes de France, APVF), Ville et Banlieue voulait formuler son propre plaidoyer pour « faire République ».

Propos discriminatoires

« Sur nos sujets, la campagne est inaudible mais aussi discriminatoire avec des propos jamais entendus jusqu’alors », s’insurge Catherine Arenou, maire (DVD) de Chanteloup-les-Vignes (78) et première vice-présidente de l’AMVBF. « A l’heure où les idées d’extrême droite irriguent peu à peu l’esprit de nos concitoyens jusqu’à représenter 30% des intentions de vote, Ville et Banlieue lance son appel aux candidats pour être aux côtés des territoires et des habitants fragilisés », complète Driss Ettazaoui, vice-président (Modem) de la CA Evreux Portes de Normandie (27) et de l’AMVBF. Rappelons que l’association a condamné, début février, les propos d’Eric Zemmour (Reconquête) sur les banlieues en les jugeant « porteurs de haine et de discorde civile ». Ce candidat a aussi affirmé vouloir basculer les fonds de la politique de la ville vers le développement des régions rurales et des petites et moyennes villes. « Il y a cette idée reçue que beaucoup d’argent est déversé sur les quartiers avec peu de résultats mais de nombreux financements nous parviennent en substitution du droit commun », insiste Hélène Geoffroy, maire (PS) de Vaulx-en-Velin (69) et autre vice-présidente de Ville et Banlieue.

La tenue d’un CIV au moins une fois par an

Regrettant le rendez-vous manqué du rapport Borloo mais soulignant le rattrapage par le Plan de relance pour les QPV et les mesures du Comité interministériel à la ville (CIV), l’association appelle à une « réconciliation républicaine » qui passerait par « un contrat social universel ». Pour répondre à l’augmentation des vulnérabilités, fragilités et inégalités, notamment en raison des conséquences de la crise sanitaire, elle plaide pour une nouvelle méthode de co-production et d’animation pour des solutions locales d’intérêt national, le déploiement vital de moyens renforcés du droit commun. Ville et Banlieue cite notamment ici l’exemple des Cités éducatives, aujourd’hui quasiment généralisées, qui au départ avaient été expérimentées sur certains territoires.

Regrettant une intervention tardive du Comité interministériel à la ville (CIV) durant le quinquennat, Catherine Arenou demande que « ce lieu d’échange et de rencontre se tienne à présent au moins une fois par an ».

« Un cadre clair et lisible » pour les contrats de ville

Sur les contrats de ville, en cours de refonte, Philippe Rio, maire (PCF) de Grigny (91) et vice-président de l’AMVBF, évoque la nécessité d’« un cadre clair et lisible, avec de la stabilité, pour les cinq prochaines années ». Prônant une loi de programmation sur la ville durant le prochain quinquennat, le maire de Grigny réitère aussi la demande de l’association d’une Cour de justice d’équité territoriale qui pourrait être saisie « lorsque les moyens sont insuffisamment déployés, lorsqu’un constat de carence est établi ou lorsque des effets utiles ne sont pas au rendez-vous des mesures engagées ». Par ailleurs, Ville et Banlieue revendique un doublement des moyens financiers de la rénovation urbaine et des mesures d’accompagnement social.

En matière d’habitat, Philippe Rio pointe un mal logement surtout concentré sur le logement privé. « L’Etat doit développer des outils d’intervention beaucoup plus massifs dans les QPV pour contraindre les propriétaires à faire du logement digne », lance-t-il. L’élu cite les outils comme le permis de louer ou l’encadrement des loyers pour lutter contre les marchands de sommeil avec le besoin d’un renforcement des sanctions.

Des appels à projets « très inégalitaires »

Par ailleurs, Ville et Banlieue plaide pour le développement dans les quartiers de solutions utiles méritant un essaimage national, comme les Cités éducatives et les Vacances et colos apprenantes. Et d’estimer que « la production originelle des politiques publiques, historiquement ancrée dans une dynamique descendante, c’est-à-dire de l’État vers nos territoires, s’est aujourd’hui inversée au profit d’une coconstruction avec les collectivités ». L’association défend ainsi cette méthode plus horizontale à pérenniser afin de « maintenir une agilité dans la conduite des stratégies publiques et sortir des appels à projets systémiques ». Hélène Geoffroy pointe ici « les appels à projets très inégalitaires car il demande beaucoup de temps administratif » en demandant de les limiter aux expérimentations. Autre préconisation de l’association : une évaluation permanente pour répondre à un souci de transparence d’utilisation des fonds publics, et permettant aussi d’activer un baromètre quantitatif des actions menées. Et de citer les dispositifs tels que les contrats de ville ou les conventions de rénovation et de renouvellement urbains. Il est demandé de préserver un portage partagé entre les communes et les intercommunalités, plutôt qu'à les diluer dans des contrats partenariaux d’orientations territoriales plus larges.

Demande d’un nouvel Etat

Au-delà, Ville et Banlieue demande à l’Etat de changer son logiciel. Elle l’appelle ainsi à être « entreprenant » pour faire en sorte que, dans chaque QPV, sous le pilotage partagé de la ville, du département et de la préfecture, soit « définie et animée une stratégie territoriale de prévention, de lutte contre la pauvreté et d’accès aux droits ». Elle lui demande aussi d’être « audacieux » pour contraindre les propriétaires à la rénovation des taudis des centres-villes et des copropriétés périurbaines, ou « hardi » afin de permettre l’éducation de la petite enfance et « le déploiement de l’école républicaine, dotées de moyens structurels et pédagogiques suffisants ». L’association appelle encore à un « État courageux » pour agir avec force contre les fragilités des habitants, la désinformation, la fracture numérique, le déremboursement des tests de dépistage, les déficits de présence médicale et de mobilités...

Sa déclinaison se poursuit avec un « État résolu » pour « impulser et assurer la rénovation durable de nos habitats et les moyens d’accès aux énergies renouvelables pour nos populations », un « État volontaire » pour « retisser les liens entre nous et le monde rural, montagnard et littoral », un État opiniâtre » pour promouvoir une écologie populaire en matière d’énergie (chauffage, eau, électricité, mobilités) et d’alimentation, ou un « État tenace » pour soutenir dans la durée les espaces, temps et stratégies d’apprentissage et d’exercice de la vie citoyenne.

Philippe Pottiée-Sperry

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