[Location] Covid-19 : « pas un cas de force majeure », rappelle la Fédération DLR

Stéphane Vigliandi
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[Zepros Bati] Alors que les mesures de confinement sont prolongées au moins jusqu’au 11 mai prochain, la Fédération DLR (distributeurs, loueurs et réparateurs) craint une montée en charge des demandes de suspension, voire de résiliation des contrats de location.

À deux jours d’intervalle, le ton est nettement monté chez DLR. Le 14 avril, la fédération qui représente 70 % du marché de la location (500 adhérents), martelait dans un communiqué que « la Location [est] prête pour la reprise d’activité de ses clients ! ». Ce 16 avril, elle monte au créneau. Et « réaffirme avec détermination » que le « Covid-19 n’est pas un cas de force majeure ! ». Effet collatéral de la crise sanitaire, la situation devient désormais un gros sujet d’inquiétude chez les professionnels du secteur. Avec l’arrêt net d’une majorité de chantiers depuis mi-mars, beaucoup d’entreprises ont souhaité résilier leurs contrats de moyenne durée (LMD : de 2 à 12 mois) et longue durée (LLD : de 12 mois en général à 24, voire 36 mois) : deux segments qui représentaient 35 à 40 % du CA de la profession avant la crise sanitaire. Des résiliations ou suspensions à tort, rétorque donc la fédération. « Compte tenu de l’arrêt des chantiers décidé unilatéralement par la majorité des entreprises de BTP, les loueurs ont reçu en masse, dès le 17 mars 2020, des demandes de suspension des contrats de location et donc de paiement des loyers de leurs clients qui se retranchaient derrière l’ordonnance du 25 mars 2020 et prétendaient que le Covid-19 constituait un cas de force majeure [voir encadré ci-dessous] », constate DLR dans un long communiqué de deux pages.

* Part du CA relatif aux seuls matériels autoportés (hors modulaire, grue à tour et sanitaire)

Recadrage de DLR…

Pourtant, elle rappelle que cette ordonnance Covid ne stipule en rient de telles passages en force. Cette question d’arrêt des contrats n’est en effet réglée que « partiellement » par les Pouvoirs publics. Elle ne porte que sur les factures d’eau, de gaz, d’électricité et les loyers immobiliers. En outre, le champ d’application de l’ordonnance ne concerne que certaines entreprises qui doivent répondre à des critères d’effectifs et de baisse de chiffre d’affaire par rapport à la même période de 2019. Dans son communiqué du 16 avril, la fédération s’en tient donc à l’esprit du législateur, soulignant que l’ordonnance « se borne à limiter les effets du non-paiement (neutralisation des clauses résolutoires et des clauses pénales, des intérêts de retard et activation des garanties pendant un délai de 2 mois après la fin de l’état d’urgence sanitaire) ». Et pour enfoncer le clou, elle précise qu’« aucun arrêté, aucune ordonnance n’a interdit la poursuite des chantiers de travaux publics, le gouvernement ayant au contraire incité les entreprises à maintenir leur activité ; la cessation d’activité est donc une décision de l’entreprise dont elle doit assumer les conséquences, notamment en termes de baisse de son chiffre d’affaires, sans les faire supporter par ses cocontractants. Si les entreprises ont pu légitimement invoquer, sur la deuxième quinzaine de mars, la nécessité d’arrêter les chantiers faute de pouvoir assurer la protection de leurs salariés en raison, notamment, d’un manque de masques, ce n’est plus le cas aujourd’hui ». Voire.

…mais ouvert au dialogue

Selon DLR, « les demandes de suspension, de résiliation, de report des contrats LMD et LLD, par mails, par courriers, par téléphone, représentent 80 à 100 % de ces types de contrats ». Pour éviter que les entreprises ne soient tenter de faire passer en force une rupture de leurs contrats, la fédération en appelle à l’intelligence collective. Et suggère que les entreprises peuvent invoquer « tout au plus » la notion d’imprévision qui permet à une partie de renégocier les contrats en raison du « changement de circonstances imprévisible lors de la conclusion du contrat rendant l’exécution excessivement onéreuse pour une partie qui n’avait pas accepté d’en assurer le risque » (art. 1195 du Code civil). Avec, en prime, cette réserve : que «l’application de cette disposition, qui n’est pas d’ordre public, n’ait pas été écartée dans les contrats », précise encore DLR à l’encontre de cette frange de clients qu’elle qualifie d’... « irréductibles ». Un appel au bon sens et au dialogue pour éviter – une fois la fin du confinement sonnée – de déboucher sur des situations pour le moins inconfortables, voire épineuses… Stéphane Vigliandi

MÉMO • Covid-19 : cas de « force majeure » ?

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Dès le 30 janvier, l’OMS notifiait que la pandémie induisait « un état d’urgence sanitaire ». Touchée à son tour par le virus, la France l’a décrété dès le 24 mars. Pour justifier l’arrêt ou la suspension de multiples chantiers, la filière du BTP a souhaité faire du Covid-19 un cas de force majeure. En clair, la santé des salariés avant les considérations économiques. Avant la parution du guide de l’OPPBTP le 2 avril et réactualisé le 10 avril, une seule décision de justice a acté en ce sens. Mais cet arrêt de la Cour d’appel de Colmar (68), rendu le 12 mars 2020, ne portait pas sur le BTP. Depuis le 2 avril, le cas de force majeur n’est donc plus reconnu à ce jour ; à l’exception des marchés publics de l’État. Néanmoins, au moins un pays européen vient de reconnaître le Covid-19 comme un cas d’accident du travail : l’Espagne. Selon un décret-loi publié le 7 avril dernier, toute infection au coronavirus dans l’exercice du travail est désormais considérée à part entière comme tel. Une décision qui pourrait faire jurisprudence ailleurs… ?

REPRISE DES CHANTIERS • Un mouvement lent, mais constant

Selon la 2e vague du baromètre réalisé par BTP Consultants (sur une base de 4 500 sites), il y avait 9,1% des chantiers (privés + publics) ouverts au 11 avril (+21% en une semaine). Diffusé le 6 avril, le précédent sondage portait sur un panel de 4 000 chantiers en métropole. La prochaine enquête sera diffusé ce samedi 18 avril.

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Stéphane Vigliandi
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