Pour l’Académie des technologies, le contesté Linky est... incontestablement utile

Grégoire Noble
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[Zepros Energies] La polémique autour du compteur d’électricité communicant n’en finit pas pour les dangers qu’il est censé présenter, sanitaires ou sécuritaires. Afin d’éclairer le débat, l’Académie des technologies s’est penchée sur la question et a rendu un avis très détaillé sur cet automate controversé.
Alors que la barre des 19 millions de compteurs électriques Linky déployés a été franchie au mois de mai 2019 (et que 16 millions doivent encore être installés d’ici à 2021), l’opposition ne faiblit pas, même si le taux de refus reste faible (1 %). Plus d’une vingtaine de procédures judiciaires sont aujourd’hui en cours sur le territoire, rassemblant environ 5 000 requérants, dont 430 viennent de saisir le tribunal de Nanterre (Hauts-de-Seine) afin d’empêcher la pose ou d’ordonner le retrait de l’automate communicant. Le retentissement médiatique important de ces plaintes a incité l’Académie des technologies à se saisir du sujet afin de l’étudier sous plusieurs angles et démêler le vrai du faux.

Le compteur Linky transmet des informations en continu : FAUX

Par défaut, l’automate mesure la consommation toutes les 30 minutes et transmet, une fois par jour, un paquet de données moyennées. C’est grâce au courant porteur en ligne (CPL) que ces données sont envoyées vers un concentrateur, situé près d’un transformateur basse tension où se connecte une « grappe d’utilisateurs ». C’est ensuite un système de transmission par ondes hertziennes (GPRS) qui prend le relai vers le système central.

Linky accède à tous les équipements situés chez le particulier : FAUX

Le modèle de base permet de mesurer les flux d’énergie dans les deux sens, électricité reçue du réseau ou injectée vers lui, ce qui simplifie la gestion d’installations photovoltaïques en autoconsommation par exemple. Mais il n’identifie pas la consommation individuelle des appareils. Pour qu’il puisse communiquer avec les équipements domotiques, il faut volontairement lui adjoindre un module additionnel qui fera la passerelle sans fil avec eux. Cet « émetteur radio Linky » permettra à l’avenir d’apporter des services clients avancés, comme l’optimisation continue de la consommation en fonction des signaux tarifaire, l’effacement ou le pilotage et le suivi de certaines productions.

L’installation du compteur génère des désordres et des coupures inopinées : VRAI

Lors des premiers déploiements, des échauffements allant jusqu’à des débuts d’incendie ont été signalés. Ils résultaient d’une mauvaise mise en œuvre des connexions par défaut de serrage. Depuis, l’utilisation d’une clé dynamométrique a été rendue obligatoire et des procédures plus rigoureuses mises en place. Linky intègre un système de coupure interne (breaker) qui interrompt la fourniture de courant si la puissance appelée est supérieure à la puissance souscrite dans l’abonnement. Ce breaker étant plus précis que le disjoncteur de protection, les coupures pourront être plus nombreuses, générant un réel désagrément pour le client. Mais il lui est possible de demander à distance une modification de cette puissance par incrément de 1 kVa, plus précis que par le passé. Et le changement de fournisseur d’électricité s’en trouve simplifié.

Les bénéfices pour le client sont encore minimes : VRAI

La connaissance précise des consommations réelles devrait inciter les consommateurs à les diminuer. Cependant, ces gains restent limités : ils sont évalués entre 1 et 3 % par différentes expérimentations européennes menées en Finlande ou Suède avec d'autres compteurs intelligents. Mais les suivis plus précis permettent d’adapter au mieux l’offre de fourniture aux besoins du ménage. Les données restent la propriété des consommateurs et Enedis met à la disposition des abonnées qui le souhaitent des applications et logiciels d’optimisation des contrats d’énergie.

Enedis en tire beaucoup d’avantages : VRAI

Pour le distributeur d’électricité, Linky simplifie évidemment les relevés ce qui améliore la qualité du service. Il réduit également les pertes non techniques et les branchements sauvages, qui représentaient une perte de près de 2 Mrds € en 2014. Le compteur intelligent détectera aussi les pannes et délestages, facilitant les plans de reprise. Le coût estimé du déploiement des 35 millions d’automates est de 5,5 Mrds €. Mais la CRE a fait réaliser une étude qui chiffre à 12 Mrds € les gains potentiels. A l’heure actuelle, la valeur nette du projet pour Enedis serait légèrement positive (200 M€) sur la période 2014-2034. Le coût de déploiement, avancé par le distributeur d’électricité, sera compensé à moyen terme.

Les niveaux de rayonnement des champs électriques sont nocifs : FAUX

De nombreuses études ont été réalisées par différents instituts, comme l’Agence nationale de la santé (Anses), l’Agence nationale des fréquences (ANFR) ou le Centre scientifique et technique du bâtiment (CSTB) et aucun effet sanitaire d’exposition n’a été constaté. Les niveaux sont toujours inférieurs aux limites réglementaires. L’adoption du module ERL apporte un rayonnement équivalent à celui d’une borne WiFi.

Les données ne sont pas protégées : FAUX

La CNIL a drastiquement limité l’utilisation qu’Enedis peut faire de la courbe de charge des consommateurs. Elle ne sera exploitée que lors de problèmes d’alimentation ou pour identifier des points précis du réseau nécessitant un renforcement. Tout consommateur peut refuser l’enregistrement par Enedis de sa consommation horaire. La transmission des données aux fournisseurs d’énergie ne pourra se faire qu’avec le consentement exprès des clients.
En conclusion, l’Académie des technologies se montre très favorable au déploiement des compteurs de dernière génération, qu’il s’agisse de Linky, ou de Gazpar et des compteurs d’eau intelligents. L’avis souligne un « succès technique exemplaire, acquis dans un environnement réglementaire très complexe ». Pour les académiciens, « les compteurs communicants Linky constituent une avancée positive pour un nouvel usage partagé et optimisé des réseaux électriques ; ils contribuent à l’amélioration continue de leur fonctionnement. [Linky] permettra de gérer finement le réseau de distribution électrique au niveau des territoires et des consommateurs (smartgrids) et [il] est essentiel pour la réussite de la transition énergétique ». Voilà qui fera plaisir à Enedis et... qui électrisera les opposants au boîtier vert citron.
G.N.
Grégoire Noble
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