Télétravail et confinement : un bilan assez positif

Philippe Pottiée-Sperry
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8675 salariés (dont 44% de structures publiques) ont répondu à une enquête du réseau de l’Agence nationale de l’amélioration des conditions de travail (Anact) et de ses agences régionales (Aract) sur la pratique du télétravail durant le confinement.

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La moitié l’utilisait déjà avant la crise. Le fait que deux tiers des répondants aient bénéficié d’une adaptation de leurs objectifs (68%) et de leurs activités (77%) dès le début du confinement est encourageant, selon l’Anact. Néanmoins plus d’un tiers a travaillé à distance dans un environnement de travail inadapté.

48 % ont eu le sentiment de travailler « plus » (dont une proportion plus importante de managers) contre 36 % ayant eu le sentiment inverse. 71 % estiment que le télétravail n’a pas modifié la qualité des relations de travail au sein de leur structure. Par ailleurs, 87 % considèrent avoir disposé d’un équipement numérique suffisant et 78 % avoir pu adapter leurs horaires pour répondre à des contraintes personnelles. Ces différents chiffres laissent à penser que le télétravail a été organisé en urgence de façon plutôt satisfaisante, analyse l’Anact. A savoir, précise-t-elle, si des ajustements sont possibles dans la durée, de façon à prendre en compte les fortes évolutions des organisations, des moyens disponibles et des situations de chacun. L’Anact pointe la proportion importante de personnes (plus d’un tiers des répondants) ayant travaillé dans de mauvaises conditions. Sont surtout concernés les salariés n’ayant pas pratiqué le télétravail au préalable, mais aussi davantage d’agents de la fonction publique et de non-managers.

Réunions régulières d’équipe

Information régulière, priorisation des activités, animation d’équipe, appui à la réalisation du travail... sont quelques-uns des rôles clés du management à distance. Comment ont-ils pu être mis en œuvre dans la période de crise ? Une très grande majorité des répondants à l’enquête a bénéficié rapidement de réunions régulières d’équipe à distance et d’échanges avec leur manager - au rythme d’au moins une fois par semaine dans plus des deux tiers des cas.

Les temps d’échange manager-collaborateur ont permis d’aborder, prioritairement, le bon avancement des missions ainsi que la priorisation des tâches et, dans une moindre mesure, les difficultés liées au travail ainsi que les situations individuelles. 46 % des répondants ont cependant au global eu un sentiment de moindre efficacité au travail (surtout parmi ceux qui pratiquaient le télétravail pour la première fois). 50 % estiment, par ailleurs, qu'ils ont été pendant cette période plus fatigués qu’à l’accoutumée – sans qu’il n'y ait de lien avec la charge de travail perçue (et, parmi eux, davantage de femmes et de managers).

Besoin de renforcer les pratiques managériales

Dans un contexte difficile, les encadrants ont développé des pratiques du management à distance que sont l’information, l’animation d’équipe ou la priorisation des activités. Il semble cependant utile de les appuyer pour qu’ils puissent prendre en compte, dans la phase de reprise, les sentiments de fatigue et d’inefficacité exprimés par près de la moitié des répondants, indique l’Anact. Ces ressentis peuvent être liés au contexte (problèmes d’articulation des temps vie professionnelle-vie personnelle, de travail morcelé du fait de la garde d’enfants exposant davantage les femmes, craintes pour l’avenir, etc.) mais aussi à la pratique du télétravail (risque d’isolement, non maîtrise de certains outils de travail à distance, collaborations plus complexes, etc.).

Ces résultats plaident pour renforcer les pratiques managériales en matière d’écoute des situations individuelles, d’appui à l’articulation des temps de vie, de partage du sens au travail. Ils incitent également à mieux outiller les managers. Si les perceptions des collaborateurs qui estiment avoir travaillé plus, voire beaucoup plus (20 % des répondants), que d’habitude doivent, bien-sûr, alerter encadrants et direction, il est également important d’être à l’écoute de ceux qui ont estimé travailler moins, voire beaucoup moins (11 % des répondants) dans cette période. Parmi eux, se sont trouvées des personnes occupant des postes avec moins d’autonomie et peu habituées au télétravail - dont l’activité nécessite sans doute d’être davantage préparée et suivie en travail à distance.

Enfin, si 17 % « seulement » des répondants ont estimé vivre des relations de travail dégradées par rapport à l’accoutumée, ces situations nécessitent d’être repérées et traitées. Une attention particulière doit être portée à la qualité des relations entre les salariés en télétravail, ceux qui ont maintenu l’activité sur site ou les salariés en chômage partiel, des sentiments d’iniquité pouvant apparaître entre ces catégories.

Le télétravail, ça s'apprend !

Le réseau Anact-Aract défend l’idée que le télétravail s’apprend collectivement au fil des expériences. Selon l’enquête, 47 % des répondants avaient déjà pratiqué le télétravail avant le début de la crise sanitaire de façon régulière ou occasionnelle. Ceux-ci ont bénéficié, sans surprise, d’un meilleur équipement, d’un meilleur environnement de travail. Ils ont également eu une meilleure perception de leur efficacité à distance et se sont estimés davantage en capacité de réaliser l’ensemble de leurs missions habituelles à distance.

88 % de l’ensemble des répondants souhaitent poursuivre le télétravail à l’avenir, dont 97 % pour les télétravailleurs expérimentés et 80 % des personnes n’ayant pas pratiqué le télétravail avant la crise. Au final, le télétravail semble recueillir un réel satisfecit sachant que seulement 12 % des personnes déclarent ne plus vouloir le pratiquer.

Elaborer des chartes ou des accords télétravail

Dans ses recommandations, l’Anact préconise de suivre les « primo-télétravailleurs » parmi lesquels davantage de femmes, de non-managers et d’agents publics. « Les organisations auront tout intérêt à organiser des retours d’expérience sur cette période inédite pour identifier les bonnes pratiques et les difficultés à résoudre en s’appuyant sur les recommandations des salariés », estime-t-elle. Et de conseiller l’élaboration, de façon collective et paritaire, d’une charte télétravail ou d’un accord structurant les modalités du recours au télétravail.

Philippe Pottiée-Sperry

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