Thermostats connectés : en croissance mais toujours pas de boom

Grégoire Noble
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[Zepros Energie] Le marché français des thermostats connectés est en croissance constante depuis 2015. L’an passé, 300 000 d’entre eux ont été installés (+11 %). Selon Delta-EE, ces solutions seraient en passe de devenir un standard de l’industrie. Toutefois, comme nous le révèle Arthur Jouannic, la France présente des particularités qui freinent encore la généralisation de ces boîtiers intelligents.

En 2020, le marché français du thermostat connecté s’est bien porté, comme le confirme l’étude du cabinet Delta-EE : « Bien que quasiment mis à l’arrêt pendant le 1er confinement de mars, [il] a su rebondir pour rattraper son retard et même générer de la croissance. Les Français ont en effet investi dans leur logement, pour des questions de confort et d’économies d’énergie ». Environ 300 000 thermostats connectés ont été vendus dans l’Hexagone l'an passé, contre 270 000 en 2019. Le parc total installé depuis 2015 s’élève aujourd’hui à près d’un million d’unités. Arthur Jouannic, directeur du développement Europe pour le cabinet de conseil, nous précise : « Cela va vraiment devenir un standard de l’industrie. Les produits marchent bien, les clients sont satisfaits et les installateurs sont formés ».

Ainsi, le pilotage connecté du chauffage et de la climatisation devrait « s’envoler dans les années à venir », selon Delta-EE. La croissance pourrait atteindre +30 % par an pendant trois, ce qui ferait grimper le nombre de ventes à 400 000/an dès cette année, puis 500 000/an en 2022 et enfin 700 000/an en 2023 ! Un rythme qui conduirait à un doublement du parc avant 2024. Les auteurs de l’étude soulignent que des solutions sont, à présent, disponibles pour toutes les sortes d’installations : « Les chaudières, pompes à chaleur, convecteurs électriques, climatisation, vannes de radiateurs, chauffages au sol et même les ballons d’eau chaude, tous les types de systèmes de chauffage ou de refroidissement ont maintenant leur thermostat connecté ». Du côté des industriels, les grands spécialistes ont énormément investi dans des solutions internes, dans le développement de partenariats ou dans l’acquisition de startups spécialisées. Arthur Jouannic nous rappelle : « Legrand a racheté Netatmo il y a 2 ans. Schneider Electric a également racheté un système de pilotage du chauffage au Royaume-Uni pour ensuite venir le proposer sur le marché français. Ces géants disposent de canaux de distribution impressionnants. Et d’autres acteurs français du secteur de la maison connectée comme Somfy ou Delta Dore disposent de plateformes domotiques ». Quant à Atlantic, fabricant de chaudières et de PAC, il a récemment mis la main sur Wien. Tous les grands groupes ont donc des stratégies pour coloniser le marché français : offrir des produits « Premium » pour apporter davantage de confort et amener des économies d’énergie dans les maisons individuelles, ou développer une gestion à distance de parcs installés, avantageuse pour les prestataires de services de la maintenance, notamment des pompes à chaleur, où l’anticipation des interventions pourrait représenter des gains opérationnels importants pour les bailleurs.

Un "Coup de pouce" qui tient du "Coup de pub"

Cependant, la maturation du marché prendra encore du temps. Selon le directeur Développement Europe de Delta-EE, « dans les 5 ans, environ 10 % des logements seront équipés. Il faudra un peu attendre avant d’atteindre les 25 % comme aux Pays-Bas ou au Royaume-Uni ». Car la France présente des particularités, notamment au niveau du chauffage électrique. « Il faut, pour piloter une installation avec des convecteurs électriques, un thermostat pour chaque radiateur. Ce qui multiplie les coûts là où un seul thermostat connecté est nécessaire sur une chaudière », résume Arthur Jouannic. Le pays a donc souffert d’une plus grande fragmentation de son marché du chauffage, avec des proportions équivalentes entre gaz naturel et électricité, sans même compter les solutions du collectif ou du bois énergie… « Le processus d’adaptation a été plus long et a nécessité des produits spécifiques, là où 95 % des logements sont chauffés au gaz aux Pays-Bas ou en Angleterre », poursuit-il.

Le gouvernement, qui cherche à réduire les consommations d’énergie, a d’ailleurs lancé un « Coup de pouce Thermostat avec régulation performante » à la fin du mois de juin 2020, pour « stimuler l’usage, par les propriétaires ou gestionnaires de logements équipés d’un système de chauffage individuel, des dispositifs de pilotage » et « mieux faire connaître l’existence et les gains, tant énergétiques qu’économiques, apportés ». Toutefois, Delta-EE estime que l’effet escompté n’a pas été obtenu. « Ce coup de pouce ne concerne que certaines catégories de chauffage, avec sonde extérieure de température et modulation possible. Mais il y a peu de thermostats compatibles hormis ceux des fabricants de chaudières », analyse Arthur Jouannic. De plus, le coup de pouce forfaitaire de 150 € ne s’applique qu’à une pose assurée par un professionnel : « Or beaucoup de gens peuvent, et veulent, l’installer seul. Le geste professionnel n’intervient que lors d’un remplacement de chaudière ». L’opération « Coup de pouce » ne serait donc qu’un « Coup de pub » marketing, permettant d’attirer l’attention des consommateurs sur l’existence de ces solutions intelligentes et relativement abordables. Les économies qu’ils généreront seront d’autant plus importantes que les logements sont mal isolés : « s’il est très bien isolé, cela fera moins d’économies », remarque le spécialiste de Delta-EE. Les professionnels, qui doivent remplir un dossier de demande, estiment même que, par rapport au faible gain, les démarches sont trop chronophages. Il n’y aurait donc pas d’effervescence du marché.

Chez les autres pays de l’Union européenne, le mouvement avait été amorcé plus tôt, vers 2014-2016, moment où les gros énergéticiens avaient offert des thermostats connectés à leurs clients en contrepartie de réengagements ou de contrats de maintenance. Là encore, comme le marché français est moins concurrentiel, avec la présence de mastodontes comme EDF et Engie, les opérations marketing ont été moins agressives. Enfin, Arthur Jouannic souligne que le secteur de la réparation/maintenance est, à l’inverse, moins centralisé qu’au Royaume-Uni ou aux Pays-Bas, entraînant là encore un ralentissement au large déploiement de solutions connectées. La généralisation des thermostats intelligents n’est donc pas encore pour aujourd’hui au pays des Gaulois réfractaires. Mais demain…

G.N.

Grégoire Noble
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